II fait froid.
On marche en direction du sanctuaire accompagné du gong du temple bouddhiste. Temple que je n'ai jamais vu je crois, seulement entendu.
Ma famille à la particularité de n'être "que" shintoïste. Au Japon, on est en général shintoïste de naissance, mais aussi bouddhiste. Oui, deux religions, c'est OK. Je ne sais pas exactement de quelle manière on choisi si on fait le mariage, l'enterrement ou telle autre célébration selon la cérémonie, le rite, bouddhiste au shintô. J'ai déjà entendu que c'était en fonction de si on trouvait ça plus ou moins beau ou si ça coûtait plus ou moins cher. Y-a-t-il une règle ? Sûrement. Il y en a pour quasiment tout. Pourtant, sur ce sujet, le Japon laisse la vague impression que c'est comme on veut. Pour une fois.
Il est environ minuit. Juste avant ou juste après je ne sais plus. Pas de bouteille de champagne qui pète le plafond. On fait la queue pour aller prier. Secouer la grande corde tressée et faire s'agiter et s'exprimer le grelot à son sommet. Taper des mains. C'est combien de fois déjà ? Dans quel ordre ? Il y a un mouvement spécial avec les mains non ? Je regarde attentivement les gens devant moi le faire. Je suis la seule étrangère. J'ai vu ce geste des centaines de fois et pourtant, je doute. J'ai peur de faire une erreur. De passer pour la "gaijin" de service alors que je viens accompagnée de ma grand-mère qui salue une personne sur trois, qu'elle doit connaître depuis au moins 20 ans, si ce n'est 40 ou 60 ans. Je me rassure en me souvenant l'avoir fait plein de fois.
On a déposé nos porte-bonheurs de l'année passée sur le côté à gauche de l'entrée du sanctuaire avant de se laver les mains. Ils seront brûlés. Après la prière et le saké, nous allons en acheter de nouveau pour l'année. Pour la famille, pour moi et mes ami.e.s en cadeau souvenir de voyage. Des petits "omiyage". A chaque fois que je suis au Japon pour le nouvel an je me demande combien de mauvais esprits ou de niveau de malchance j'accumule dans mon portefeuille, sacs et divers tiroirs chez moi et chez mes parents, vue le nombre de porte-bonheurs accumulés et oubliés par-ci par-là. Ils n'ont pas été brûlés dans les temps et ne le seront sans doute jamais. On a oublié de les rapporter.
Apparemment on peut, (on doit) également rapporter les poupées et les jouets qu'on ne veut plus. Je pense direct à un film d'horreur comme si les poupées avaient une âme ou quelque chose de la sorte.
Une fois, ma grand-mère m'a dit qu'il y a avait un endroit spécial pour rendre les aiguilles et qu'on les plantait dans du tofu. Oui, les aiguilles pour coudre. Je lui ai ri au nez. J'ai trouvé ça tellement drôle comme scène à imaginer. Ça ne lui a pas vraiment plu. J'ai vérifié, c'était vrai et ultra sérieux. Elle m'a dit que c'était pour remercier les aiguilles pour le travail rendu. Elles ont une âme ou quelque chose comme les poupées ? ! Et je crois même qu'elle a enchaîné avec le fait que c'était pendant la guerre qu'elle avait appris à coudre. Bon là, c'est sûr, elle voulait bien me faire comprendre à quel point c'était une histoire sérieuse et peut-être encore plus pour elle. Mais concrètement, ils en font quoi de ce tofu piqué de centaines d'aiguilles ? Et puis quel type de tofu ils choisissent ? Comment ils le choisissent ? Il y a plein de textures (oui le tofu, c'est super bon quand ce n'est pas celui de base vendu dans ton rayon bio fait par je ne sais pas quel industriel qui a le goût et la texture d'une brique en carton mouillée). Je crois qu'ils prennent le plus délicat et fragile pour encore plus te "faciliter" la tâche quand tu vas piquer ton aiguille dedans. En plus c'est dangereux comme déchet non ? (Enfin, ils sont sûrement pensés à ça dans les règles des poubelles complexes du Japon.) Sinon le tofu doit être brûlé. J'imagine.
Bref…
Le moment le plus attendu arrive enfin : réchauffer ses mains contre le gobelet en carton où l'on te verse ton saké brûlant à la louche sortie d'une énorme marmite. Un jour, j'aimerais être cette personne qui remue le saké pendant des heures. Le saké chaud que l'on boit ce jour là, l'amazake, ressemble clairement plus à du lait caillé ou à du riz au lait avec du vin blanc dedans (même si je déteste bizarrement le riz au lait) qu'au saké transparent que vous imaginez sûrement. Oui, j'exagère un peu. C'est sucré et dense. J'aime beaucoup, mais au premier abord sans connaître, ça vous paraîtra peut-être étrange, gluant…
Autrement, chaque nouvel an passé au Japon me rappel que j'ai toujours rêvé de servir en tant que Miko. La Miko c'est une servante d'un sanctuaire Shinto. Mon grand oncle était prêtre shinto et m'avait proposé de l'être, pour un nouvel an ou un matsuri je ne sais plus. Je n'ai jamais pu à l'époque. J’étais rarement au Japon à ces moments-là. J'aurais tellement du saisir l'opportunité pour l'expérience. Je savais que j'allais le regretter un jour. Depuis sa mort, sa fille, ma cousine à repris la tête du sanctuaire. Je pourrais toujours le faire si elle veut bien me le proposer et si elle arrive à déchiffrer mon écriture ici. (Coucou Mutchan) D'ailleurs, si vous voulez découvrir notre temple familial en plein cœur de Tokyo, vous pouvez regarder une interview d'elle ici (je vous la reposterai le jour au j'aurais pris le temps, et surtout celui de ma mère, pour m'aider à traduire et mettre les sous-titre en français et en anglais).
Les deux dernières fois ou j'ai fais le nouvel an au Japon, c'était en tête à tête avec ma grand-mère. Une fois on a marché dans le froid jusqu'au sanctuaire. Vers minuit ou 4 heures du matin. Ou alors nous y sommes allés deux fois. Une fois pour minuit et la deuxième fois pour aller contempler le 1er lever de soleil de l'année et presque du monde sur le pont au bord de la mère à côté du sanctuaire. C'est le Hatsuhinode.
Raté y'avait des nuages. On rentre tranquillement. Vers 8 heures, heure du petit déjeuner, elle me donne du saké. Un frai et transparent cette fois. Elle, bien sur n'en boit pas. À ma tête elle me dit simplement que c'est le nouvel an et que c'est la tradition. Comment vous dire que j'aime bien boire mais dès le matin au petit dej' je n'en suis pas à ce niveau. On enchaîne justement avec le Osechi Ryouri, le petit déjeuner super riche typique du nouvel an. On en mangera les restes pendant quasi une semaine si on est que toutes les deux, mais j'adore !
Enfin, j'attends avec impatience même si je ne suis plus censée en recevoir ma petite enveloppe de thune: les otoshidama, aka les étrennes japonaises, qui ne font pas les choses à moitié !
Cet article d'une agence de voyage est assez complet sur le sujet (je vous assure ce n'est pas sponsorisé, ou pas encore ou jamais si vous me soutenez en vous abonnant à la version payant ou premium avec petits cadeaux à la clé !)
Akemashite Omedeto !
Ou littéralement : "bonne ouverture d'année ! "
En tant que bonne "half", je ne vous souhaite la bonne année que maintenant. Alors qu'en France on se laisse tranquillement jusqu'à la fin du mois pour dire Bonne Année à toutes les personnes que l'on rencontre, au Japon nous avons normalement jusqu'au 7. En fait, pour quelqu'un comme moi qui fatigue avec ce genre de politesse, je devrais peut-être imposer le mode japonais à mon entourage ?! "Ah non désolée c'est trop tard. Je ne dis plus bonne année moi ! "
Sauf que si je veux aller jusqu'au bout du truc, faudrait se coltiner les cartes de vœux spécifiques au nouvel an (couleur de ruban et enveloppe spéciales ....) à envoyer entre Noël et le Jour de L'an pour que ça arrive à temps évidemment. Pas sûr de pencher pour le côté japonais en fait.
On voit une miko dans le film d'animation primé "Your Name". J'y ai même découvert cette pratique clairement chelou qu'on se le dise, du sake fermenté par la salive d'ailleurs. Pour voir l'extrait c'est par ici. Et quand je disais vouloir aider en tant que Miko un jour, rassurez-vous je pensais seulement à boire le saké (pas le faire) et vendre des mamori (porte-bonheurs)
Les Otoshidama ce n'est qu'au nouvel an !
J'hésitais entre vous parler de la multitude mamori, fuda ... (Différents types de portes bonheur) et du shintoïsme au passage mais j'aurais plein d'occasions dans l'année pour vous en parler dans une prochaine newsletter ou sur Instagram. Alors que les Otoshidama ce n'est qu'au nouvel an !
Pour beaucoup de Half comme moi, enfant, après Noël il y a un "deuxième Noël", les Otoshidama. Ces petites enveloppes pleines de billets ! Entre 3000 et 10 000 yens (en gros entre 30euros et 100 euros) ! Selon qui nous donnait cette petite enveloppe au dessin traditionnel ou plus kawaï (trop?) et selon notre âge.
La surprise de fou c'est quand même les voisins du bout de la rue te ramène une petite enveloppe alors que tu te souviens à peine de leur nom ! 😁
L'Osechi Ryouri, ou repas du nouvel an est composé de plein plein de choses qui peuvent surprendre pour un matin. Chaque ingrédient, préparation, a un sens, mais parfois une image vaut d'abord mieux que 1000 mots pour éveiller certains sens.
Alors ce n'est pas forcément aussi bien présenté à la maison mais c'est toujours très bon. Voici quelques indices de ce qui composera ce premier repas de l'année. Il faut savoir que ce sont surtout des mets, préparations qui sont censées être faciles à faire et conservables pour éviter de faire trop travailler les femmes à ce moment là de l'année. (Précision de dernière minute de ma mère, même si je trouve que ça reste beaucoup de taf que ça soit fait maison ou à aller acheter au supermarché)
Kuromame (黒豆), les haricots noirs, ont pour signification que vous allez travailler dur tout au long de l’année.
Kazunoko (数の子), les œufs de hareng, leur aspect « lumineux » en grappe représente la progéniture en bonne santé que l’on désire avoir.
Kurikinton (栗きんとん), des châtaignes cuites et sucrées, leur couleur dorée représente la richesse que l’on désire avoir.
Buri (ブリ), poisson « jaune », est considéré comme apportant la possibilité d’obtenir une promotion au travail, car il fait parti des poissons appelés Shusse Uo (出世魚), poissons qui changent de nom en grandissant, comme si il obtenait une promotion.
Tai (鯛), la daurade, son nom rimant avec Medetai (めでたい – félicitations) est porteur de chance.
Kobumaki (昆布巻き), du Varech (algue) avec du poisson à l’intérieur, rimant avec Yorokobu (喜ぶ – être heureux) est censé apporter le bonheur.
Renkon (レンコン), racines de Lotus, avec ses trous elles vous permettront de regarder dans le futur.
Ebi (海老), crevettes, avec leurs moustaches et leur forme courbée elles représentent les « veilles personnes » et sont donc un signe de longévité.
Ise Ebi (伊勢海老), langoustes japonaises, vous donnera un début d’année plein de richesses
Kuruma Ebi (クルマエビ), crevettes tigrées, elles sont plus « suffisantes » pour avoir un ménage « régulier ».
Tazukuri (田作り), anchois séchés, son nom signifiant « récolter le riz » il aura pour symbolique une récolte abondante.
Datemaki (伊達巻), omelette sucrée, de par sa forme qui représente un déroulé il symbolise la volonté d’apprendre.
Kohaku no Kamaboko (紅白のかまぼこ), surimi aux poissons, sa forme ressemble au premier lever du soleil de l’année. De plus, la couleur rouge est un talisman contre le diable tandis que le blanc est symbole de pureté.
Yakizakana (焼き魚), poisson grillé, il est consommé afin de souhaiter de la réussite dans sa carrière.
Daidai (ダイダイ), orange amère japonaise, le mot Daidai (代々) signifie « plusieurs générations » et se prononce comme le nom de cet agrume. Ainsi, ce dernier symbolise quelque chose qui va durer.
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Chu Chu, Bye Bye
Manon Natsumi